Amiens
Chutes de neige
Amiens
Chutes de neige
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse; Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins, Qui d'une main distraite et légère caresse Avant de s'endormir le contour de ses seins, Sur le dos satiné des molles avalanches, Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons, Et promène ses yeux sur les visions blanches Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive, Elle laisse filer une larme furtive, Un poète pieux, ennemi du sommeil, |
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.
Charles Baudelaire
|
D'anciennes légendes nous racontent qu'un jour La déesse des songes pleura de bonheur Une larme glissa de ses yeux de velours Et fut emportée par des anges-créateurs Pour en faire un joyau ces faiseurs d'univers Sculptèrent cette perle ainsi la Lune est née Et chaque soir s'étend sur la voisine terre La divine lueur de la grâce beauté
Agenouillé et humble j'ai levé les yeux Un intense moment d'adoration totale J'ai prié élevant mon âme vers les cieux |
Le monde se révèle à la lumière pâle De la magie lunaire ma muse adorée Ma plus fidèle amie ma plus fidèle alliée
Thierry Lorho |
La lune blanche Luit dans les bois; De chaque branche Part une voix Sous la ramée...
O bien aimée. L'étang reflète Profond miroir, La silhouette Du saule noir Où le vent pleure...
Rêvons, c'est l'heure. |
|
Un vaste et tendre Apaisement Semble descendre Du firmament Que l'astre irise... C'est l'heure exquise.
Paul Verlaine |
Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques Jouant du luth et dansant et quasi Tout en chantant sur le mode mineur L'amour vainqueur et la vie opportune Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Paul Verlaine
|
Pour vous rejoindre, depuis si longtemps que j'en avais conçu l'immortel projet, je me hâterai sans regret, ivre de vous, insoucieux du futur, confiant dans votre pâle éclat, attentif à votre regard paisible, envoûté par votre sourire triste et énigmatique.
|
|
Les Bienfaits de la lune |
La Lune, qui est le caprice même, regarda par la fenêtre pendant que tu dormais dans ton berceau, et se dit: "Cette enfant me plaît." Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les vitres. Puis elle s'étendit sur toi avec la tendresse souple d'une mère, et elle déposa ses couleurs sur ta face. Tes prunelles en sont restées vertes, et tes joues extraordinairement pâles. C'est en contemplant cette visiteuse que tes yeux se sont si bizarrement agrandis; et elle t'a si tendrement serrée à la gorge que tu en as gardé pour toujours l'envie de pleurer. Cependant, dans l'expansion de sa joie, la Lune remplissait toute la chambre comme une atmosphère phosphorique, comme un poison lumineux; et toute cette lumière vivante pensait et disait: "Tu subiras éternellement l'influence de mon baiser. Tu seras belle à ma manière. Tu aimeras ce que j'aime et ce qui m'aime: l'eau, les nuages, le silence et la nuit; la mer immense et verte; l'eau uniforme et multiforme; le lieu où tu ne seras pas; l'amant que tu ne connaîtras pas; les fleurs monstrueuses; les parfums qui font délirer; les chats qui se pâment sur les pianos et qui gémissent comme les femmes, d'une voix rauque et douce! "Et tu seras aimée de mes amants, courtisée par mes courtisans. Tu seras la reine des hommes aux yeux verts dont j'ai serré aussi la gorge dans mes caresses nocturnes; de ceux-là qui aiment la mer, la mer immense, tumultueuse et verte, l'eau informe et multiforme, le lieu où ils ne sont pas, la femme qu'ils ne connaissent pas, les fleurs sinistres qui ressemblent aux encensoirs d'une religion inconnue, les parfums qui troublent la volonté, et les animaux sauvages et voluptueux qui sont les emblèmes de leur folie." Et c'est pour cela, maudite chère enfant gâtée, que je suis maintenant couché à tes pieds, cherchant dans toute ta personne le reflet de la redoutable Divinité, de la fatidique marraine, de la nourrice empoisonneuse de tous les lunatiques. Charles Baudelaire
|
|