Créer un site internet

Pacha

      PACHA

     

       Cheval de Picador

 

 

Par des termes et des images qui sonnent «vrai», et desquels jaillit une vibrante émotion, Nicole CADET nous fait, avec l'histoire de PACHA, réaliser le tragique destin de tous les chevaux de picador et son message, plus sûrement que tout discours élaboré, ne peut manquer d'être perçu par tous les coeurs.

Attaché dans un couloir voûté, sombre, humide et gluant qui entoure l'arène sous les gradins, PACHA attend. Le Picador arrive, bouche ses oreilles de chiffons, bande ses yeux d'un turban rouge et jette sur son dos le caparaçon. Une sueur froide envahit le corps du cheval terrorisé, tremblant de peur. Une fois de plus, c'est l'entrée dans l'arène à côté de TOM, son compagnon d'infortune. Malgré ses oreilles bouchées, PACHA entend le vacarme de la fanfare et les hurlements d'une foule hystérique, avide de sang et de violence.
PACHA devine l'ouverture du toril obscur et le galop du toro affolé, aveuglé par la lumière intense des rayons du soleil se reflétant sur le sable brûlant de l'arène. PACHA s'arc-boute. Il attend le choc effroyable de ces 5 à 600 kg de chair, de cette tête énorme, aux cornes acérées, que la pique du picador qui s'enfonce dans le morrilo du toro, est bien incapable d'atténuer. PACHA est là pour «briser la fougue du toro». Sans lui, sans le cheval du picador, pas de corrida possible. Le danger serait trop grand pour Banderilles et Toréador !
Le toro s'est jeté sur le flanc de PACHA. PACHA chancelle sous les terribles coups de tête du toro qui provoquent, si souvent, des hémorragies internes et la mort lente et sans gloire du cheval de picador.
Les hurlements de la foule en délire redoublent. PACHA résiste, tient bon, mais soudain s'écroule. Les cornes du toro passent alors sous le caparaçon et s'enfoncent dans le ventre du cheval qui gémit sous une douleur intense.
Malgré l'intervention des banderillos et du toréador, le toro s'acharne avec une fureur redoublée et ses cornes triturent la chair et les entrailles de PACHA. PACHA est couché de tout son long sur le sable brûlant et doré qui rougit sous son sang.
On dit qu'au moment de notre mort, nous revivons en quelques instants, tout notre passé. Sans doute en est-il de même pour «la plus noble conquête de l'Homme», que nous traitons avec tant de cruauté.
Sous le bandeau rouge, PACHA ferme les yeux. Il gambade, poulain joyeux autour de sa mère, dans un grand pré, avec ses copains poulains...
Puis, c'est la première dure épreuve : celle du sevrage; la séparation brutale, incompréhensible, à 6 mois, d'avec une mère dont il a encore tant besoin d'affection...
Vers 2 ans, nouvelle rude épreuve : celle du débourrage, faite souvent avec beaucoup de brutalité, alors qu'un cheval devrait être dressé avec «une main de fer dans un gant de velours». Mais PACHA est un cheval «facile». Il a vite accepté la domination de l'Homme et s'est embarqué sans problème dans le van qui l'emmenait de chez le maquignon au club hippique... Attaché le nez au mur dans une stalle étroite, chaque jour et durant des années, PACHA attend les jeunes qui, pendant des heures se succéderont sur son dos, le feront tourner en rond, «au pas, au trot, au galop», dans la sciure du manège... Malgré toute sa bonne volonté, PACHA a souvent du mal à comprendre les ordres des jeunes cavaliers, alors ce sont les coups brutaux) du mors dans sa bouche sensible, les coups d'éperons et de cravaches distribués à tort et à travers, sans que le moniteur intervienne...
Mais parmi les enfants plus inconscients que méchants, comme une rose blanche au milieu des épines, il y avait Isabelle. Isabelle aux longs cheveux blonds, aux yeux couleur du ciel de Provence en été et à la voix si douce. Isabelle au sac toujours rempli de friandises, carottes, croûtons de pain, sucres, etc... Isabelle qui, entourant l'encolure de PACHA avec ses petits bras, lui racontait mille secrets à l'oreille. Isabelle et son rêve : un grand pré vert, avec d'énormes arbres et un petit ruisseau d'eau claire ; un grand pré où ils partiraient tous deux, PACHA et ISABELLE, loin du club, du manège, du bruit, des cris, des éperons et des cravaches...
Seuls, PACHA et ISABELLE, pour toujours, heureux...
Mais un jour, malgré le désespoir d'Isabelle,, un homme, appelé picador est venu chercher PACHA.
Allongé dans l'arène sanglante, PACHA n'entend plus les hurlements et les sifflements de la foule. Il ne sent plus les cornes du toro qui continuent à triturer sa chair et ses entrailles, malgré les efforts des banderilles et picador pour le détourner du cheval. Le toro bien sûr, ignore que le cheval est comme lui, victime des amusement cruels des hommes et il s'acharne sur le cheval à terre...
Mais PACHA a quitté l'arène. Il est loin, très loin. Il ne sent plus la douleur. Il ne souffre plus. Il est bien allongé dans l'herbe inondée de soleil, à côté d'Isabelle, près de l'eau claire qui chante dans le ruisseau, à l'ombre d'un grand arbre, Isabelle qui, dans son oreille, lui murmure des mots très doux...
Et son encolure se serre, se serre. PACHA étouffe. Ce sont sûrement les petits bras d'Isabelle qui entourent cette encolure et la serrent, la serrent... Cette encolure qui soudain se détend dans un ultime sursaut, emportant PACHA dans un dernier rêve... celui d'une petite fille qui l'a aimé.

Nicole CADET

Ajouter un commentaire
 

Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site